Le couvre-feu ne doit pas masquer d’autres problèmes

Dr Alex Carignan, microbiologiste et infectiologue au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et professeur à l’Université de Sherbrooke

Le couvre-feu et les mesures de confinement plus sévères sont nécessaires pour donner un peu de répit aux travailleurs de la santé, mais cela ne doit surtout pas masquer d’autres problèmes qui risquent de se perpétuer au-delà du prochain mois si on ne s’y intéresse pas.


« Malheureusement et tristement, nous sommes rendus là. On le voit très bien avec les augmentations de cas, d’hospitalisations et de décès depuis quelques semaines. On a besoin de cet électrochoc », réagit le Dr Alex Carignan, microbiologiste et infectiologue au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et professeur à l’Université de Sherbrooke. 

Cela ne doit pas faire oublier qu’il faut aussi mieux ventiler les écoles, mettre en place des mesures plus agressives pour contrôler les éclosions dans les hôpitaux et les CHSLD et accélérer la vaccination, fait-il valoir.

« Il y a encore beaucoup d’autre travail à faire à l’extérieur du confinement plus strict et du couvre-feu. Pour la transmission communautaire, les mesures annoncées [mercredi] vont aider, mais il y a beaucoup d’activités, beaucoup d’éclosions, il y en avait dans les écoles, il y en avait dans le milieu de la santé, et ça ce ne sera pas en confinement, ça se poursuit. »

Sans se prononcer sur la pertinence du couvre-feu puisque sa valeur scientifique n’a pas été établie, le Dr Carignan estime néanmoins que politiquement, cette mesure envoie un message très fort sur la gravité de la situation.

Et l’idée est loin de lui déplaire, lui qui voit tous les jours des patients être admis pour la COVID dans les hôpitaux du CHUS, aux soins intensifs ou sur les étages. 

« Les patients qu’on voit, ce n’est pas nécessairement de grands délinquants, explique-t-il. Il y a beaucoup de gens au quotidien qui font des petits gestes qui favorisent la contamination, et ce n’est pas mal intentionné. Les gens sont épuisés des mesures qui sont en place depuis plusieurs mois et c’est tout à fait compréhensible. Mais c’est souvent ce qu’on voit, des petites visites qu’on pense peu à risques et qui finalement ont un risque significatif. On le sait, c’est un virus sournois et pernicieux qui se transmet facilement, donc je pense qu’on est obligé d’y aller de mesures relativement importantes comme on les voit ici. »

« Je pense que c’est de bonne guerre d’appliquer le couvre-feu parce que malheureusement, quand on n’est pas confronté au virus, on ne se rend pas compte à quel point il fait des ravages », ajoute-t-il.

Pendant longtemps et même encore aujourd’hui, on est très loin d’être parmi les régions les plus touchées au Québec.

Est-ce que cela sera suffisant pour aller chercher l’adhésion des citoyens et freiner les éclosions?

« Je l’espère. Les Estriens ont fait de grands efforts. Pendant longtemps et même encore aujourd’hui, on est très loin d’être parmi les régions les plus touchées au Québec. Mais la pression est très forte. On le voit sur le délestage qu’on a dû faire. Sur les chirurgies qu’on doit reporter. Ç’a un impact important dans la vie des gens et c’est une autre raison pour faire encore un autre petit effort pour aider à enlever la surcharge qui est vécue par le système. »

Dr Carignan garde néanmoins espoir que ces mesures plus sévères vont parvenir à changer la donne.

« Si on réussit à vacciner 250 000 personnes d’ici un mois, comme on disait dans le point de presse, déjà ça va couper beaucoup les éclosions dans les milieux de soins et les CHSLD et ça va donner un grand répit. Si on ajoute à ça une diminution des cas grâce au confinement, je pense qu’on peut donner un coup de barre important. J’ai confiance. »