Temps durs pour le Journal de rue

Louise, camelot pour le Journal de rue depuis 3 ans

« On est un organisme sans but lucratif et la plus grande part de notre financement provient de la vente des journaux. Et, pour être franche, la vente des journaux ne va pas bien du tout », explique Nancy Mongeau, la directrice du Journal de Rue depuis 2013.


Elle précise avoir dû distribuer gratuitement les copies invendues afin de valoriser le travail des collaborateurs du journal et l’appui financier de ses partenaires. « Finalement, tous les journaux ont tous été lus, mais la mauvaise nouvelle, c’est que ça n’a pas été payant pour nous et pour les camelots ». Effectivement, le Journal a dû payer pour être distribué gratuitement dans le Publisac. 

En temps normal, la vente de près de 5000 de ces journaux offre directement un revenu d’appoint à leurs vendeurs, des personnes défavorisées qu’on appelle des camelots. À l’idée que le journal puisse fermer ses portes, Louise, camelot depuis trois ans, est désarçonnée. « C’est sûr que c’est avec ça qu’on s’en sort. On serait mal pris. Il faudrait trouver autre chose, c’est évident. Mais je ne sais pas ce qu’on ferait, nous les camelots. »

Générosité et solidarité de la communauté

C’est la générosité des citoyens et des partenaires financiers qui a permis au journal de survivre à la crise. « Heureusement, les gens ont été sensibles à notre cause. On a reçu des dons lors de notre dernière campagne de financement et des gens remplissent le coupon de don qui figure dans le journal ».

Cette générosité a permis d’éviter le déficit, mais aussi de soutenir les camelots, notamment grâce à des cartes cadeaux d’épicerie. Certains camelots ont expliqué à Mme Mongeau que ce don leur avait permis de manger en décembre. « C’est incroyable quand quelqu’un te dit ça. Normalement, il n’aurait pas de problème à manger puisqu’il vend le journal, mais là, il ne peut pas à cause de son état de santé fragile... et il en subit les conséquences! » regrette-t-elle.

Mais le Journal de rue, ce n’est pas qu’un revenu pour ceux qui en ont besoin. C’est aussi un cadre de réinsertion sociale pour ceux qui ont été blessés par la vie. « Souvent, ce sont des gens qui vivent toute sorte de problématiques, y compris de l’exclusion sociale. Le Journal de rue leur permet de trouver une place dans la société, de se sentir acceptés et valorisés », explique Mme Mongeau. Louise peut en témoigner. « C’est différent pour chaque camelot, mais, moi, le journal m’a aidée à être moins gênée avec le monde. En plus, les gens m’encouragent, me disent de pas lâcher, que c’est beau. Alors oui, je continue! » Bernard Couture, un autre camelot, publie depuis des années ses poèmes dans le journal. « Pour Noël, Bernard voulait pouvoir s’acheter un livre des synonymes, tellement l’écriture est une passion pour lui! Il utilise un vocabulaire d’une richesse incroyable. C’est vraiment un talent qu’il peut exploiter dans le Journal. C’est valorisant autant pour lui que pour nous », témoigne, Mme Mongeau. 

Innover pour survivre

Malgré les eaux troubles, Nancy Mongeau n’a pas l’intention de quitter le navire. Au contraire, elle lui fait prendre le vent. Elle est ainsi fière d’annoncer la création d’un nouveau partenariat avec la Banque alimentaire Memphrémagog, « pour que le Journal de rue soit vendu par des gens souffrant de pauvreté ou d’exclusion dans cette belle ville voisine! »

Elle espère que les commerçants magogois se montreront ouverts autant qu’à Sherbrooke pour accueillir un kiosque du Journal de rue devant leur établissement. « Cette responsabilité sociale de la part d’un commerçant n’est pas sans plaire à la clientèle qui y voit un geste empreint d’humanité. On en a bien besoin ces jours-ci, non? » pense-t-elle.

À Sherbrooke, en temps normal, le Journal est vendu par 16 camelots à une douzaine d’endroits. En raison des conditions sanitaires, il ne reste dorénavant que cinq camelots actifs pour deux points de vente : le Marché de la Gare et le Maxi des Grandes-Fourches.

L’organisme communautaire travaille fort pour innover et recommencer à vendre son Journal de rue dans le respect des conditions sanitaire. La mise en place d’une formule d’abonnement et d’un paiement sans contact par texto est, notamment, dans les cartons.

En attendant, Mme Mongeau invite les citoyens à faire un don, à se procurer le journal et, surtout, à ne pas hésiter à donner un pourboire au camelot. « On espère que les gens vont continuer de nous appuyer tant que la situation ne sera pas rétablie, parce que c’est comme ça qu’on pourra continuer à faire notre mission », rappelle-t-elle.