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Non, ce n’est pas le dernier effort

Le premier ministre François Legault répète souvent qu’il est un homme d’action. C’est pratique parfois d’avoir le réflexe rapide, mais à force de juste vouloir être dans l’action, tu peux manquer de vision.

Chronique / Le premier ministre François Legault a souvent demandé, depuis mars dernier, de faire un effort et qu’après, ça irait mieux. Encore il y a six jours, il a plaidé pour un « dernier effort » pour le confinement des Fêtes. Ça se veut encourageant, comme on le ferait avec des enfants, mais au bout du compte, plus grand monde ne le croit. Noël ne sera sûrement pas le dernier effort, même si on commence peut-être le dernier chapitre de la COVID-19.


Je me souviens qu’au printemps, ma sœur me trouvait rabat-joie parce que je lui disais d’oublier ses voyages prévus à l’automne. Depuis avril, absolument rien ne permettait de croire que nous serions de retour à la « normale » avant la fin de l’année 2020. C’était impossible sans vaccin et c’était difficile d’imaginer avoir un vaccin avant 2021.

Peut-être qu’un confinement hyper strict, tout le monde enfermé chez soi, sans sortir, même pour aller à l’épicerie ou à la pharmacie, sans contact extérieur, pendant quatre semaines, peut-être que là on aurait coupé la propagation. Peut-être. Mais qui aurait été capable de faire ça?

Bref, l’arrivée encore toute récente des vaccins n’est que le vrai premier pas vers une éventuelle fin de la pandémie, mais c’est loin d’être fini. 

Le propos était d’ailleurs différent de la part de Justin Trudeau. Lui aussi a ses phrases creuses, mais au moins il n’a jamais fait semblant que ça allait se régler rapidement, rappelant que c’était dur et que ça allait être difficile pendant un bon moment. Il n’a jamais fait croire que la pandémie allait être rapidement réglée, bien au contraire.

Legault répète souvent qu’il est un homme d’action. C’est pratique parfois d’avoir le réflexe rapide, mais à force de juste vouloir être dans l’action, tu peux manquer de vision.

Confiance perdue

Si Legault a un côté paternaliste dans sa façon de parler aux Québécois et Québécoises, les « porte-paroles » des anti-masques et anti-vaccins ont un côté adolescent. Défier les règlements, c’est tellement rebelle! Tellement cool!

Quand on voit qu’une de leur revendication est que le vaccin soit un choix « libre et éclairé », alors que c’est déjà prévu que le vaccin soit sur une base volontaire, que peut-on leur répondre? La liberté de refuser le vaccin est déjà là, que faut-il de plus pour arrêter de chialer? 

Ce serait toutefois une erreur de rester dans cette caricature qui ne concerne qu’une minorité. La plupart des gens qui ne respectent pas les consignes ont simplement perdu confiance, parce que le #çavabienaller était une fausse promesse, parce que depuis mars le gouvernement fait croire que la fin est proche, parce que le gouvernement n’arrive pas à bien expliquer le pourquoi et le comment des mesures — et encore moins ses changements de décision. Bref, c’est normal que des gens n’y croient plus, soient tannés ou se sentent abandonnés. Pis dans ce temps-là, bien tu fais à ta tête. 

Le mouvement anti-vaccin existait déjà avant la pandémie et une chance que les médias sont là pour informer et souligner la désinformation!

Ceci dit, toutes les personnes qui se méfient ne sont pas des anti-vaccins. Les gens ont besoin d’être rassurés. Un peu comme lorsqu’on veut que l’autre personne saute dans l’eau avant nous, parce qu’on a peur. L’eau est-elle froide? Est-ce assez profond? 

Sauf que si tout le monde compte sur son voisin pour atteindre le seuil de 70 %, on ne l’atteindra jamais. C’est d’ailleurs toute l’ironie des anti-vaccins. Si les personnes qui refusent les vaccins contre la coqueluche ne l’attrapent pas, c’est justement parce que presque tout le monde reçoit ce vaccin durant son enfance. C’est seulement grâce à cette immunité collective que leur discours « fonctionne ». 

Il y a douze rangs de priorité pour le vaccin, selon les documents préliminaires. On n’atteindra pas le seuil de 70 % avant le dixième rang, qui concerne la majorité de la population. Tout ça va prendre plusieurs semaines avant d’y arriver et que le virus s’essouffle. 

Je le disais il y a trois semaines, tout le monde est tanné. C’est comme ces moments où le banc d’autobus n’est plus confortable après des heures de route, qu’il n’y a plus aucune position confortable, mais ça ne change rien, il reste encore bien de la route à faire avant d’arriver au bout. Il faut endurer. Cogner sur le siège avant, chialer après le chauffeur ou exiger son droit de se dégourdir ne fait que ralentir tout l’autobus et allonger la route.

Tout ça pour dire que c’est loin d’être terminé et Legault doit arrêter de faire croire que c’est un ultime effort chaque fois. 

Mauvaise campagne

Le printemps dernier, le gouvernement a donné un des plus gros contrats publicitaires de l’histoire du gouvernement pour la COVID – 15 millions $ par année.

La campagne devait préserver la confiance du public envers le gouvernement, rappeler les consignes d’hygiène et préparer le « retour à la normale ». Finalement, on aura eu une campagne très conventionnelle qui n’a fait que répéter les consignes déjà partout. 

Bien sûr, il faut les faire connaître les consignes, mais après? Les personnes qui ne le font pas n’ont pas besoin de se faire répéter les consignes, elles ont besoin de se faire expliquer pourquoi elles sont importantes, de se faire convaincre qu’elles valent la peine, de retrouver cette confiance perdue envers les vaccins et les mesures de distanciation. Où sont ces campagnes? Ne suffit pas d’une vedette pour garder un lien de confiance!

Avoir dépensé autant de millions dans une agence de publicité pour une si mauvaise communication, il y aura tout un débreffage à faire au gouvernement, mais aussi chez Cossette, après la pandémie.