Chronique|

Sept ans d’hydro sans facture

Il est difficile de comprendre comment ni Hydro-Sherbrooke ni Canac-Marquis Grenier n'ont pas remarqué l'absence de sept années de facturation.

CHRONIQUE / Sept années à recevoir de l’électricité sans recevoir aucune facture. Pas juste quelques kilowatts, pas pour un chalet oublié au fond d’un rang. Pour un gros magasin ayant pignon sur un des boulevards les plus achalandés de Sherbrooke.


La facture oubliée monte à plus de trois quarts de million de dollars. C’est une facture annuelle moyenne de 107 850 $ qui n’a pas été envoyée par Hydro-Sherbrooke au Canac-Marquis Grenier du boulevard Bourque.

Quand on sait qu’il y a des gens qui peuvent se faire couper pour une dette de quelques centaines de dollars de quelques mois, c’est difficile de comprendre comment on a pu en arriver là. Le blâme ne revient pas seulement qu’à Hydro-Sherbrooke.

L’échappée d’Hydro-Sherbrooke 

Selon les informations recueillies par La Tribune, un compteur a bien été installé en mai 2013 à l’ouverture du commerce, mais ce compteur n’apparaissait nulle part. Il lançait ses données dans l’univers et il n’y avait personne pour les attraper. Le commerce recevait quand même l’électricité dont il avait besoin.

Des histoires de compteurs qui ont des messages d’erreur, qui ont un malfonctionnement, ça arrive. Il n’y a aucune technologie à l’épreuve des bogues. C’est la durée dans le temps qui est troublante. Sept ans avant de remarquer le problème! Sept ans!

Doit-on comprendre qu’il n’y a pas de suivi de contrôle qualité après l’installation? Personne après un mois, six mois ou un an ne vérifie qu’un nouveau compteur fonctionne bel et bien comme il se doit? Combien d’autres compteurs défectueux attendent? Il n’existe aucun examen de routine?

C’est aussi beaucoup d’énergie dont on n’a visiblement pas suivi la trace. Je veux bien que ce soit facile produire de l’électricité à Sherbrooke, on remercie nos rivières, mais j’imagine qu’on s’assure un minimum de ne pas gaspiller cette énergie, qu’on surveille les possibles fuites, qu’on gère les pertes d’énergie.

Si Hydro-Sherbrooke est capable de noter le moindre kilowatt/heure que je consomme chez moi, comment une consommation aussi grande qu’un gros commerce peut-elle passer inaperçue? Il n’y a rien qui permet de remarquer que des milliers de kWh se perdent quelque part? C’est dur à comprendre.

L’irresponsabilité du commerce

Le directeur du marketing de Canac-Marquis Grenier, Patrick Délisle, a beau dire que son entreprise paie toujours ses factures et que des milliers de transactions surviennent chaque jour entre ses murs, on ne parle pas d’un fournisseur ordinaire.

C’est un fournisseur tellement important que l’électricité a souvent sa propre ligne dans les états financiers. Personne dans la direction, dans le service comptable ou au moment des audits financiers, personne n’a jamais souligné que c’était étrange que les frais d’électricité soient de 0 $ ? 

J’ai vraiment de la misère à croire qu’au moment des états financiers annuels, personne ne soulignait n’avoir toujours pas reçu de facture d’Hydro-Sherbrooke. C’est la base, comme les taxes municipales. Ce n’est pas le genre de comptes qui parfois est là, parfois n’est pas là. Surtout qu’à voir la facture de 755 000 $, le commerce avait clairement besoin de cette source d’énergie.

Soit il y a une personne incompétente quelque part, soit ça faisait l’affaire de l’entreprise de ne pas recevoir la facture. Je n’insinue pas que l’entreprise cherchait volontairement à ne pas payer, mais je m’attends à mieux d’une entreprise qui souhaite, j’imagine, être un citoyen corporatif modèle. Certes, Canac-Marquis a rapidement payé son dû, mais elle aurait dû être proactive. Peu importe la raison pour laquelle l’entreprise n’a jamais allumé, cette erreur de gestion est irresponsable.

On peut faire des blagues sur l’incompétence d’Hydro-Sherbrooke ou de Canac-Marquis Grenier, bien sûr. Mais cette histoire me rappelle comment, chaque fois, c’est plus facile de taper sur les plus faibles. Le système est facilement menaçant devant les petites dettes, mais devant les gros montants, on rigole et on trouve des terrains d’entente.