Chronique|

Une élection avant la fin de la pandémie ?

« Je n’ai pas du tout la tête aux élections », affirme la députée de Compton-Stanstead Marie-Claude Bibeau, en admettant qu’en situation de gouvernement minoritaire, une élection, « ça peut arriver à tout moment! »

CHRONIQUE / « Je n’ai pas du tout la tête aux élections », répond rapidement la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau. On imagine sans difficulté qu’avec la pandémie, son bureau déborde déjà de dossiers urgents. Si la députée de Compton-Stanstead n’y pense pas, aucun doute que quelque part, des stratèges de son parti réfléchissent aux options.


Le réflexe est de se dire que ce n’est pas le moment de déclencher des élections, que les procédures seraient compliquées avec la crise sanitaire. Sauf que les États-Unis viennent de vivre des élections nationales. Trois provinces canadiennes ont aussi été en campagne électorale en 2020, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan en octobre et le Nouveau-Brunswick en septembre. La pandémie n’est donc pas un obstacle.

Les nouveaux mandats des premiers ministres néobrunswickois (Blaine Higgs) et britanno-colombien (John Horgan) peuvent même donner des idées à l’équipe de Justin Trudeau puisqu’ils ont réussi le pari de remporter une majorité, eux qui étaient minoritaires, comme c’est présentement le cas à Ottawa. L’argument d’avoir un gouvernement plus stable en temps de crise semble leur avoir servi – comme il avait servi Stephen Harper pendant la crise financière de 2008, retrouvant la majorité au parlement après avoir dissout la Chambre des communes.

Un bilan malgré tout positif

Comme pour probablement tous les bureaux de circonscription au Québec et au Canada, le bureau de la députée de Compton-Stanstead a été débordé par la pandémie. L’aide aux citoyens a été « intense », confie-t-elle, ajoutant que ses employés sont un peu devenus des intervenants sociaux. « Les appels ont été multipliés par dix, des appels de détresse. On était souvent la dernière option pour bien des gens qui ne savaient pu vers où se tourner. » Dans les circonstances, son équipe a fait beaucoup d’accompagnement personnel.

Pendant la table éditoriale, même si elle reconnaît qu’il y a des leçons à retenir, la ministre Bibeau a dressé un bilan positif de son gouvernement. Citant une aide en agriculture ici, une autre pour les banques alimentaires là, le soutien aux entreprises, les ententes avec les pharmaceutiques pour les vaccins, sans oublier la PCU, devenue la PCRE. 

Même si le gouvernement Trudeau suivait les recommandations de la Santé publique canadienne et de la docteure Theresa Tam, on a reproché plus d’une fois la lenteur du fédéral de contraindre et de prévenir les risques de propagation. La toute récente histoire des voyages non essentiels l’a encore démontré. Le Canada ne fait pas non plus partie des meilleurs bilans mondiaux avec le nombre de décès et d’infections. 

Toutefois, les principales prestations pour soutenir la population et les entreprises pendant la pandémie provenaient d’Ottawa. Là-dessus, le gouvernement Trudeau a été proactif. Marie-Claude Bibeau admet que des gens ont pu profiter de la largesse de la PCU, mais que les gens ont apprécié l’aide et que dans l’urgence, il fallait agir rapidement. « On fait des blagues sur notre générosité, mais les gens voient l’utilité du programme », ajoute la ministre. Selon elle, tout le monde connaît une personne qui a pu s’en sortir grâce à la PCU, et ça, c’est ce qui compte. Elle est convaincue aussi que l’Agence du revenu fera les suivis nécessaires pour rattraper les fraudeurs. 

La députée a aussi rappelé que le Canada avait les moyens d’aider sa population, plus que plusieurs pays du G7, et que son gouvernement compte investir massivement pour relancer l’économie pendant les deux ou trois prochaines années. 

Alors que nous soulignerons bientôt un an de pandémie (déjà!), le gouvernement fédéral s’en sort avec une image somme toute positive. La population a apprécié l’approche humaniste de Trudeau. Plus que des paroles, l’aide a été très concrète pour des millions de Canadiennes et Canadiens. Dans la balance, ça pèse plus lourd que les erreurs commises ici et là – d’autant plus que la population accepte que personne n’était préparé à gérer une pandémie. 

Le bon moment

L’équipe libérale a une meilleure image maintenant que lors des élections précédentes. Les frasques qui ont fait mal à la fin du dernier mandat, dont les scandales autour de Trudeau semblent loin. Même le scandale We Charity qui a eu lieu pendant la pandémie n’a pas collé si longtemps. 

Avec environ 36 % d’appui populaire au début de l’année, contre 30 % pour le Parti conservateur et 19 % pour le Nouveau parti démocratique, la fenêtre est donc bonne, ce printemps ou l’été prochain, pour le Parti libéral du Canada de se lancer en élection. 

Plus encore, le nouveau chef conservateur, Erin O’Toole, demeure peu connu malgré ses efforts. Jagmeet Singh a un capital de sympathie, mais son parti n’est pas en bonne posture. Le Bloc québécois a eu un regain à la dernière campagne, mais son chef, Yves-François Blanchet, a été plus discret cet été et cet automne, sûrement pas étranger aux accusations anonymes d’agression sexuelle au début de l’été. 

En temps de crise, la population a tendance à réélire les gouvernements en place pour assurer une stabilité. Marie-Claude Bibeau faisait déjà valoir, d’ailleurs, l’expérience gagnée par son gouvernement pendant la pandémie et l’importance de la solidarité. Deux éléments clés pour la prochaine campagne électorale.

Sauf que Trudeau préférerait probablement perdre un vote de confiance plutôt que dissoudre lui-même la Chambre des communes. Mais les autres partis n’ont rien à gagner, en ce moment, à déclencher des élections. Surtout que les votes de confiance concernent souvent des programmes d’aide, aucun parti ne veut l’odieux d’être contre la vertu. C’est sûrement à ça que songent les stratèges libéraux : comment ne pas perdre cette fenêtre opportune pour retrouver la majorité?

Comme l’a dit la députée de Compton-Stanstead, en gouvernement minoritaire, une élection, « ça peut arriver à tout moment! » Ça arrivera sûrement plus tôt que tard.