Les paris sont ouverts

Alors, Alexis Lafrenière, combien de points à sa première saison dans la LNH avec les Rangers de New York? Est-ce que le Canadien participera aux séries éliminatoires? Connor McDavid peut-il dominer les pointeurs de la LNH?


Même si on ne sait toujours pas avec assurance quand débutera la prochaine saison régulière de la LNH, ni même quelle en sera la durée, les mordus de pools de hockey sont déjà à l’œuvre.

Et ils n’attendent que le signal de départ pour la préparation de leur prochain pool de hockey.

Pour compléter leurs préparations, ces mordus attendent avec impatience la sortie du guide des poolers de la revue Hockey Le Magazine, véritable bible en son domaine au Québec, et même au Canada, depuis maintenant 15 ans.

Au total, ce sont 400 joueurs de la LNH, de même que les principaux espoirs, qui sont scrutés à la loupe, analysés, par un groupe de passionnés.

Une fois l’an, quatre mordus de hockey se réunissent dans les bureaux d’Ovation médias à Montréal afin de mettre en commun leurs projections, réalisées dans les semaines suivant la fin des précédentes séries éliminatoires.

Une journée complète de discussion qui vient ponctuer une récolte de données importante, une journée qui se déroule sous la supervision du rédacteur en chef de Hockey Le Magazine Simon Bédard, et de Steve Turcotte, qui chapeaute le comité de sélection.

Ce comité de sélection était formé cette année de Turcotte, de Guillaume Lefrançois (La Presse), Nicolas Ducharme (NHL.com) et de Sébastien Lajoie (La Tribune).

C’est par vidéoconférence que se sont passés les échanges cette année, pandémie oblige. Mais le résultat final est une fois de plus à la hauteur, dit Steve Turcotte.

« La force du produit, c’est que tout le monde arrive préparé. Oui, il y a des cas problématiques et ça prend un consensus, et je dois parfois trancher, mais quand tu dois prendre ta décision à partir d’éléments d’analyses soulevés par les gars, c’est plus solide. Ça se peut que tu te trompes, mais ta moyenne de bons coups a de bonnes chances d’être plus élevée. »

« Je suis très fier du produit qu’on livre, car ce n’est pas fait sur le coin de la table. Avant de se réunir, les gars ont fait leurs devoirs et ça permet d’avoir des discussions passionnantes. On ne voit pas tous les gars de la même manière, et on ne projette pas leurs rendements de la même façon. C’est la force de notre comité. On a toujours résisté à la tentation d’être trop optimistes, de prévoir la trop importante diminution de production, ou la trop grosse augmentation. Les poolers recherchent souvent le coup de circuit, mais il n’y a pas 57 joueurs qui vont le faire chaque année. Notre revue est réaliste. On va se tromper, mais on fait le travail sérieusement et on est fier de ça », dit celui qui couvre les activités de la LHJMQ depuis plusieurs années déjà.

Pour s’atteler à la tâche, le comité d’analystes est divisé en deux. Chaque duo doit scruter 15 et 16 équipes, respectivement.

Chaque attaquant qui doit produire 30 points et plus, de même que chaque défenseur dont le rendement offensif sera estimé à plus de 20 points, en plus des gardiens, sont comptabilisés.

Chaque analyste fait son travail individuellement, avant de mettre ses conclusions en commun avec son partenaire.

Les duos d’analystes soumettent ensuite leurs conclusions respectives, selon les équipes qu’ils avaient à évaluer. Cette période de temps est connue sous le vocable de l’obstinage.

Chaque analyste a ses critères d’évaluation et des critères d’importance bien à lui.

Jesperi Kotkaniemi et Nick Suzuki se retrouvent sur la page frontispice de la nouvelle édition du Guide des poolers.

Temps de glace en avantage numérique

« Je fais les comparatifs sur les trois dernières années, à propos du temps de glace, du temps de jeu en avantage numérique et la tendance des joueurs en question à se blesser, ou non. Tout le monde connaît les joueurs fragiles. Voilà pourquoi il faut cibler ceux qui sont plus résistants, qui vont jouer. Les pools, ça se gagne avec des gars de 45-50 points. En première ronde, c’est plutôt rare que tu te trompes. À moins d’une blessure. Ce n’est pas là que ça se joue, mais à la fin des repêchages. Et c’est là que j’essaie de concentrer les datas qu’on donne aux gens », dit Steve Turcotte, qui se dit privilégié d’avoir eu Dany Dubé comme mentor à son arrivée au sein de Hockey Le Magazine.

Et pour documenter ses analyses, Turcotte écoute des matchs. Beaucoup de matchs.

« Je m’occupe de chacun des descriptifs pour les 400 joueurs de la revue. J’essaie de trouver une info qui va en donner plus que les statistiques. Pour Tyson Barrie, par exemple; “ un nouveau souffle à Edmonton, aux côtés de Connor McDavid, qui devrait être payant ”. Je rédige aussi la section spéciale des 100 joueurs qui peuvent vous faire gagner ou perdre votre pool. »

« J’écoute beaucoup de matchs. Certaines personnes sont branchées sur Netflix, moi j’écoute le match entre St.Louis et Columbus. Je prends des notes sur les joueurs, leur utilisation, les tendances que je vois. Ça peut devenir des indices importants. J’actualise mes listes au fur et à mesure que les équipes sont éliminées, en séries, et je les mets à jour après le repêchage et la période des joueurs autonomes. Et comme je préside le comité, j’analyse les 31 équipes, afin d’être en mesure d’appuyer mes décisions. Je dirais que c’est environ deux heures de travail de recherche par équipe », analyse le journaliste de la Mauricie.

Steve Turcotte voit d’ailleurs Lafrenière amasser 51 points à sa première saison avec les Rangers (sur 82 matchs).

Suivre le Canadien pas à pas

Comme journaliste de La Presse + sur le « beat » du Canadien, Guillaume Lefrançois a un autre regard lorsqu’il bâtit sa grille d’analyse.

« J’accorde beaucoup d’importance à l’entourage du joueur, mais aussi à l’entraîneur qui dirige son équipe. Ça permet d’avoir une idée de ce que l’équipe va avoir à offrir à l’attaque de façon globale. Par exemple, la production offensive globale des Rangers de New York a toujours été bien répartie, que ce soit sous Alain Vigneault ou John Tortorella. Alors quand j’analyse les joueurs dirigés par ces gars-là, j’ai de la misère à donner 95 points à Claude Giroux, même s’il l’a déjà fait dans le passé (102 en 2017-18 sous Dave Hakstol). L’entraîneur-chef à beaucoup à voir dans le système de jeu qu’il demande et la répartition du temps de glace », estime le journaliste montréalais.

S’il avoue que la préparation pour cette journée représente un travail de moine, Guillaume Lefrançois en savoure chaque instant.

« C’est l’une de mes journées préférées, lorsqu’on se réunit et qu’on débat de nos choix. C’est beaucoup de boulot, mais comme je couvre ça au quotidien pendant l’année, j’ai une très bonne idée où ça s’en va pendant la saison morte. Ensuite, il faut se rappeler les mouvements de personnel, avoir à l’œil les joueurs qui vieillissent, les jeunes qui poussent. »

Outre les prédictions individuelles, les experts se mouillent aussi pour le classement des équipes.

Et Alexis Lafrenière, dans tout ça?

« Les cas les plus problématiques, ce sont les recrues et, à l’autre extrémité, les gars qui commencent à vieillir. Je suis plus hésitant à mettre Lafrenière trop haut, car les Rangers ont la profondeur pour prendre leur temps avec lui. »

Ses meilleurs, ou pires coups, lui qui est aussi addict aux pools?

« Je voyais Esa Lindell devenir un gros joueur. Il est bon, mais offensivement, un peu moins. Par contre, j’ai bien repéré Victor Olofsson l’an passé. Il avait joué seulement six matchs à Buffalo l’année précédente, mais il a connu une grosse année dans la LAH (63 points en 66 matchs). Des bonnes stats à une première ou deuxième année dans la LAH, qui approchent un point par match, ça peut être un bon indicateur », dit Lefrançois.

Le papier encore fort

Hockey Le Magazine, c’est non seulement le guide des poolers, mais aussi quatre ou cinq publications annuelles centrées sur le hockey.

Rédacteur en chef de la publication depuis 2017, Simon Bédard doit mettre les bouchées doubles afin de placer la table pour chaque publication du guide des poolers. Et encore plus cette année.

« On a décidé de faire un guide même si la LNH n’avait pas encore confirmé son retour. Les gens le demandent, les appels ne cessent pas! On sent que les amateurs commencent leurs préparatifs pour leurs pools. Si les choses déboulent après le 1er juillet, d’habitude, là c’est le 9 octobre qu’on a parti la démarche, avant d’aller sous presses le 2 novembre. On ne pouvait pas attendre que la LNH ne se décide. On est des leaders dans le domaine du guide poolers, alors on devait être en kiosque. Mais il y a certains joueurs blessés, comme Tyler Seguin ou Ben Bishop, qu’on n’a pas dans la revue. C’était le risque », dit-il.

« On a fait une table ronde avec des gagnants de pools de hockey, des gens de tous les horizons qui consomment des revues du genre, il y a 5-6 ans. (Voir autre texte). On a mis en application plusieurs de leurs suggestions, et on a gardé l’idée d’avoir un panel de spécialistes, pour les prédictions. La recette marche bien, les ventes sont là. La marque est très forte, chaque année. »

Simon ne s’ingère pas dans les débats. Ou très peu. Il laisse toute la place aux analystes. Il s’occupe plutôt de tout mettre en page, en plus de superviser le contenu des autres éditions régulières de Hockey Le Magazine.

En plus des prédictions individuelles, les analystes du comité, ainsi que les Marc Denis, Pierre Ladouceur, Pierre Houde, proposent leurs prédictions pour le classement final des équipes, les deux équipes qui s’affronteront en grande finale, le vainqueur de la coupe Stanley ainsi que les principaux gagnants des trophées individuels.

« Pour la première fois depuis longtemps, il y a consensus chez nos experts, le Canadien fera les séries! Ça faisait un bout qu’on n’avait pas vu ça! Certains prédisent même le trophée Vézina (meilleur gardien) à Carey Price, et Steve s’est même avancé en disant que le CH allait atteindre la coupe Stanley », dit Simon Bédard.

Prédiction finale pour Alexis Lafrenière? 55 points, sur une saison de 82 matchs. Les paris sont ouverts.